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Et jouez avec le Meirieutron!

 

Non au jargon pédagogiste! Rabelais, puis Montaigne, puis Molière l'ont dénoncé, et les Trissotins reviennent!

Début -descendre pour la suite : avril 2000

A propos d'un débat de forum cultivé sur ce qu'est l' "ekphrasis" en littérature :

taal(moi)wrote: (l'interlocuteur cité ensuite avait osé traiter ce débat-ou ce terme- de "cuistrerie", le goujat !!. Je rajoutai ceci et il me fit la très belle réponse qui suivra :

Certes! Le pire est que les gamins, croyant bien faire, se gargarisent maintenant de ce vocabulaire, l'accumulent-même s'ils n'ont pas compris le simple sens d'un texte, sans se rendre compte que, se croyant modernes, ils font de la scholastique moyen-âgeuse ou tout au moins de la rhétorique du XIXè siècle; du nominalisme: on nomme, et on croit que cela suffit... Le pédagogisme des lettres est plein de ce jargon, on en étouffe.

On vient de me répondre , et il faut en effet savoir rire, sous peine de déprimer: (le 7/4/2000, de JJ.Mesguen )

Ciel, cher colllllègue ! Verseriez-vous dans l'archaïsme néopoujadiste de porteurs de banderoles et de litrons, doutant de la vertu explicative de la terminologie, de la vertu conceptuelle du mot… Avez-vous donc remarqué qu'au moment même où l'on démolissait dans un consensuspect un certain enseignement grammatical fondé sur la répétition indéfinie d'exercices d'étiquetage, on introduisait massivement en lieu et place de tous autres exercices d'interprétation, d'explication, de commentaire… les exercices d'étiquetage, en présentant comme concepts des mots et comme innovations terminologiques une nomenclature remontant souvent à l'antiquité grecque). Je vous soupçonne de rêver encore que les mots aient un ou plusieurs sens, que les textes soient porteurs d'idées, d'évocations, d'émotions, d'enthousiasme, de controverse, je redoute que vous ne vous pâmiez point de joie à chaque fois que vous "démontrez" qu'un texte est un texte et réciproquement ; j'en viens même à craindre que vous ne vous demandiez à l'oral de l'EAF (c'est presque aussi humain que SDF pour ne pas dire clochard) si l'élève a dit quelque chose en français correct à propos du texte après l'avoir lu de manière acceptable à haute voix, plutôt que de vous intéresser prioritairement au nombre d'Axes --ça passionne des collègues, que j'aime bien au demeurant : combien il faut d'Axes à l'oral du bac, 2 ou 3 ; ils ont cru que je plaisantais encore quand j'ai dit que je n'avais jamais parlé d'axes à mes élèves, et que nous nous en portions fort bien. Et trop super, les focalisations où se noient des candidats de stt, stupéfaits d'avoir quelque chose à dire quand on les remet sur les rails avec une question (réactionnaire, poujadiste etc.) du genre : là, qui voit la scène ? qui entend ce bruit ?

J'applaudis!

 


 

Sortons de ce détail littéraire, et parlons du B.O. et du jargon de l'éducation "nouvelle" (suite à un débat sur le fait que les évaluations de 2e 99 (voir ce lien) étaient bourrées de fautes - je parle bien sûr des sujets, et à quelques débats autour du fait qu'il ne fallait pas être négatif et "passéiste", que toutes ces évaluations avaient "du bon quand même":

Bien reçu; tout cela est vrai, mais, dans mon boulot, il faut bien aussi que je dénonce les responsabilités là où je les vois, et non seulement dans la société en général; attention, je ne parlais pas des méthodes d'avant soixante (ou seulement pour rendre hommage à nos vieux instits); j'ai fait bien du neuf dans les années 60-90, et mes élèves de cette période ne m'ont jamais pris pour un ancêtre ou un dinosaure; ce sont d'ailleurs, pour quelques-uns, de mes meilleurs amis, et ils m'encouragent encore maintenant à continuer et à résister; je dénonce les dernières réformes et leur autoritarisme pédant.

Je rajoute que les (des..)profs savent bien évaluer la réalité, mais ce n'est pas celle que veut voir le lobby pédagogiste; je m'acharne (prof de lettres classiques depuis vingt-cinq ans) à lutter pour que les élèves sachent encore un peu la grammaire de leur langue, et son orthographe; mais les directives officielles suppriment tout cela de tous les programmes de collège au profit des grands mots, apprentissage de la citoyenneté, socialisation(j'aurais vraiment préféré "sociabilisation" tant qu'à faire encore des néologismes), "conditions d'énonciation du discours" etc etc, et un prof qui veut encore enseigner cela en collège se ferait engueuler par la hiérarchie pédagogique; j'ai une carrière et des titres, mais bien des jeunes chez les profs ont peur de résister : ils craignent d'avoir leur poste ou leur mutation suivant leur soumission au discours officiel. Les stagiaires IUFM notamment se sentent fort peu libres.

Finissons: lisez quelques pages du B.O. de l'éducation nationale: c'est incompréhensible à une personne normale: pourquoi? Parce que le "novlangue" (voir Orwell, 1984) est un instrument de pouvoir, et que l'éducation des jeunes est la clé du pouvoir de demain! en ce moment, à l'école, on endoctrine! Comme j'aimerais que les parents soient plus courageux, plus lucides, moins timides au cours des réunions parents-profs! ca nous aiderait bien... Mais ils avalent souvent le discours officiel ; malheureusement, c'est vrai, c'est sûrement dur de voir tout cela de l'extérieur; je précise que je crains aussi pour mes propres enfants, s'il devient tabou de transmettre des connaissances, et obligatoire d'"éduquer" à l'école; dans ce cas, je réclamerais la liberté fondamentale d'éduquer mes gosses moi-même!

Je peux enseigner avec compétence aux enfants du grec, du latin, du français, mais en quoi suis-je plus compétent que leurs parents pour les "éduquer"? Bien sûr, j'ai toujours fait de l'éducation à l'arrière plan, je ne suis pas borné, mais ce n'est pas mon premier rôle, et en tant que parent, je trouve que ce rôle d'éduquer, c'est le mien; ou alors, mettons nos enfants aussitôt procréés dans des foyers, et abandonnons-les aux démagogues et aux totalitarismes! Bref, quand on lit toutes les directives officielles, ou quand on les fait lire aux parents ou aux élèves, on constate que c'est incompréhensible pour tout le monde, sauf pour des "spécialistes" ; je viens de faire lire les consignes de correction et d'utilisation de l'évaluation de 2e à mes élèves, justement faibles, peu motivés, et "défavorisés": ils n'y ont rien compris: c'est d'autre chose, plus simple, qu'ils ont besoin : pas de linguistique depuis la sixième, mais tout simplement des bases de langue française pour comprendre! quant à l'ennui, je ne trouve pas général chez les élèves; mais médias et pédagogistes répétant à l'envi que cet ennui est général, cela devient l'air du temps , à croire que c'est leur intérêt ou leur gagne-pain.

 

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Suite du débat avec un autre interlocuteur, parent d'élève:

(...) je maintiens que bien du jargon (en français au moins) n'est apparu que vers les années 90, non chez les amateurs qui l'utilisaient dans certaines facs depuis longtemps, mais dans les exercices nationaux qui l'ont rendu incontournable: les parents ne le comprennent donc pas, ni les profs de français partis à la retraite depuis 6 ou 7 ans; cela n'est apparu que dans les dernières moutures des bacs et brevets de français; il y a encore cinq ans, des inspecteurs nous affirmaient, dans des entretiens ou au moment des corrections du bac, que le jargon spécialisé pouvait être employé, mais que son non-emploi n'était pas sanctionné dans les copies intelligentes et s'exprimant en termes justes, mais simples.
Depuis, les sujets -et tous les corrigés, toutes les directives- sont rédigés dans ce novlangue, et les élèves s'y débattent avec bien du mal; vous-même, si jamais vous avez connu de tels exercices("autour du texte argumentatif et travaux d'écriture") au bac, vous deviez être de l'extrême première mouture, ou dans une zone "pilote". Des parents d'élèves même de collège, à plus forte raison de lycée, ne peuvent évidemment avoir été "rôdés" à ce langage durant leurs études: ils se trouvent donc (et je crois que c'est un des buts de la chose) coupés de leurs enfants, et passent vite pour ignares; j'en vois maintenant des cas nombreux; j'imagine que vous n'êtes pas encore parent d'un élève de collège ou de lycée?

Je le répète, pour moi, mise à part l'orientation que je sentais venir, je n'ai vu ce langage être utilisé que par d'infimes minorités de profs avant 90; ils guignaient d'ailleurs souvent des promotions par ce biais, en fréquentant assidûment certains services des académies. A cette époque d'ailleurs, je passais pour un prof dont les méthodes, et les rapports avec les élèves étaient "nouveaux"(c'est d'ailleurs toujours le cas). Mais maintenant, le "nouveau" est passé du côté du langage formel, non de l'enseignement réel; je vois des classes complètement bloquées dans leurs rapports avec des profs "pédagogistes", qui font passer leur langage par le biais de l'autorité et des directives, ce qui me paraît, pour le coup, se rapprocher de l'avant soixante huit dans l'esprit...

Peu importe, à vrai dire: je leur reconnais le droit de faire comme ils l'entendent, si ça marche chez eux; mais j'entre en dissidence si l'on m'empêche de faire ce qui marche chez moi- et chez bien d'autres: c'est bien un progrès des élèves qu'on attend, sur le terrain, et non des théories pédagogiques ! Disons que tout cela manque fort de tolérance à l'époque où l'on ne parle que d'esprit "citoyen"; cela me paraît totalitaire et dangereux, et je regrette d'avoir à constater que c'est Jospin ministre de l'éducation qui a donné le premier coup de pouce violent avec son questionnaire "quel enseignement pour demain", qui était truqué, contenait les réponses dans les questions, et n'a jamais été honnêtement dépouillé; il y a eu une inflexion sous Bayrou, les inspecteurs ont semblé quelques mois moins courageux, plus hésitants, et comme le langage de Bayrou ministre n'est pas resté celui de Bayrou critique de l'institution, tout est reparti de plus belle; Allègre s'est permis d'ironiser sur le ballon devenu en EPS le "référentiel bondissant": mais c'est de la poudre aux yeux: à qui confie-t-il ses réformes? A ceux-là même (Meirieu p.ex) qui ont inventé de telles inepties dignes des Précieuses ridicules.

Je maintiens qu'avec des élèves, il n'est pas absurde de parler simple (pas pour autant verlan, ils le savent mieux que nous, pourquoi le leur apprendre), avec un langage un peu soigné (pour ça, moi aussi, il faut que je me surveille). Je crois qu'ils n'apprécient ni les pédants, ni les démagos. On peut encore les faire avancer, sauf si c'est interdit.

 

(juin 2001) allez voir un beau pastiche de Voltaire sur le thème du jargon!


21/1/2005 (mais le texte est bien antérieur) Allez juger de l'emploi du jargon et de son intérêt dans un pastiche de commentaire new look niveau 3è-2e pas tellement éloigné de ce que certains enseignent désormais, et de ce que les élèves se croient obligés de dire. Sincèrement, il y a deux ans, c'était encore un peu caricatural, mais chaque jour cela se rapproche de la réalité. Pour ceux qui ont entendu parler de La Fontaine, allez juger de ce qu'on peut en faire avec le jargon actuel : Kevin Dugenou et La Fontaine, par Antoine Drancey.


 

25/01/05 Le jargon dans l'éducation nationale :"Petit vocabulaire de la déroute scolaire" , une étude fouillée du novlangue en vigueur.


14/02/05 Un instituteur faisant circuler un texte contre la réduction des horaires de français en primaire s'est fait regarder de travers par un syndicaliste sourcilleux et soucieux du pédagogiquement correct ; il ose répondre à ce "cher collègue". Il ose en effet prétendre qu'on pourrait et devrait enseigner la langue française autrement qu'en passant, de manière "transversale"! Pouah, l'hérétique! ...Du quotidien comme nous en vivons tous quand nous osons nous exprimer dans une salle de profs.On ne peut que féliciter ceux qui s'expriment encore face à la langue de bois.


16/02/05 Parallèlement au jargon pédagogiste, voilà le résultat réel de toute cette démagogie verbeuse : voici un commentaire instructif trouvé sur le web (un peu en texto, certes, mais est-ce hors sujet?) . Chacun sa langue, sa tribu, et tout est culturel!:

(trouvé sur http://phosphore.typepad.com/redac/2005/02/vous_tes_manipu.html)


Rédigé par: Mlle la fée | février 3, 2005 12:30 PM pour ma part je trouve que supprimer les TPE c'est du n'importe quoi car c'etait un moyen de raporter des points facil...!et pui le bac en controle continu alor ca c vraimen dla conerie car il n'aura plus la meme valeur si lon vient dun lycée de zep ou dun lycée parisien tres bien coter!!!donc Fillion au lieu de faire d reformes comme celle la il devrait plutot reflechir a ce qui serai bénéfique pour nous car apres ils vont dire que le niveau scolaire regresse c sur si on suprime des heure de cours, supprime des profs(pour se retrouver a +de 35 en class), et encor dautres choses c'est pa kom ca kon va evoluer car essayer de comprendre quelque chose kan on est 35 en cours .pa facil......!alor on reflechi avan de faire d reforme!!


 

Voir aussi: "l'année du brevet le plus nul : l'an 2000!

Le bac , le brevet , le mythe du travail collectif , les disparitions insidieuses ( orthographe, grammaire, concours, documents, travail, svt , Lagarde et Michard, etc...) , les sempiternels nouveaux exercices-gadgets (modules, recherche par internet, groupements de textes et autres "corpus", TPE etc) , le "grand débat" , les dangers d'une certaine utilisation d'internet pour tricher, et surtout pour remplacer l'école ou la vendre , le jargon à l'école , le latin et le grec, le problème du gâchis de la lecture en primaire (lien vers un autre site), les changements de manuels et d'exercices , le métier contre le pédagogisme , textes récents sur le pédagogisme, poésie , les profs à la casse , les changements de programmes constants, cliquez sur ces titres avant de vous noyer dans mon désordre artisanal. Sinon, tentez le sommaire...

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