Envoyé sur "Lettres et débats le 25/4/00, sous le titre

"Ce que nous avons fait depuis vingt ans a-t-il toujours été débile?


 

(autour de débats concernant d'éventuels (?) nouveaux programmes dans l'avenir (on nage pour l'instant dans le flou et la rumeur)

 

... J'avoue que jadis je regrettais un peu de voir trop d'élèves choisir le "résumé-discussion" comme leur paraissant le plus facile -alors que c'était souvent loin d'être le cas, du moins si l'on voulait réussir une bonne copie. Mais depuis, le morcellement des activités n'a fait que masquer l'essentiel dans les difficultés des élèves: la synthèse, et la rédaction. Bien sûr, certains sont rassurés par de multiples questions même obscures; l'absurdité même de ces questions doit en rassurer plus d'un, car elle aboutit souvent à des consignes d'indulgence au bac -et déjà au brevet ("la question n'était pas très claire, vous compterez le maximum à tous ceux qui ont écrit quelque chose"...) sauf à l'égard des élèves intelligents, qui, perplexes, n'ont rien répondu et sont de ce fait désavantagés ; de plus, comment montrer des qualités d'expression sur des questions aussi sèches?
On se rend bien compte que toutes les questions posées dans le jargon modernisant aux élèves sont souvent exactement celles qu'on leur demandait de se poser spontanément avant de faire un résumé; mais celui-ci restait à faire... J'ai un jour eu une conversation avec un inspecteur venu nous expliquer les vertus du nouvel exercice, par rapport au résumé, "dépassé"... Ce n'est qu'en privé qu'il a convenu, ensuite, que le vrai problème était la difficulté , pour les élèves, de faire un résumé: dans ce cas, vaut-il mieux le leur faire travailler, ou "casser le thermomètre du malade"?D'autant que bien des élèves, après la 1è (je le vois depuis deux ans), reviennent nous demander comme une faveur privée de leur faire travailler cet exercice: une de mes ex-élèves en a besoin pour un concours de sage-femme... et c'est le cas dans bien d'autres concours, partout.
Quant à la discussion, elle me paraît aussi bien préférable aux dérives actuelles, où, en effet, l'élève est poussé à mentir.J'avais eu, élève de 3è, ce problème face à une rédaction de BEPC: "Vous rêvez d'être pilote de chasse, donnez vos raisons". Est-ce différent, quand on donne , au nom du modernisme, à "réfuter la thèse" quand Valéry défend la culture à l'école, à "étayer la thèse" quand un obscur journaliste recommande la réforme de l'orthographe, ou quand Bettelheim affirme que la violence est bonne chez les jeunes car elle purgera chez eux les velléités de violence, une fois adultes?(sujets de bac des deux ou trois dernières années; voir d'ailleurs sur ce point la page "passeriez-vous votre bac aujourd'hui " de mon site). J'ai honte pour nous quand je vois des élèves se faire saquer sur des sujets pareils parce qu'ils ont osé formuler leur avis "au lieu de respecter les consignes de l'énoncé", et, oui, je rêve maintenant à l'ancienne discussion comme à un sujet où, sans calculs d'apothicaire, on pouvait simplement apprécier les références (culture ou connaissance de l'actualité) d'un élève, la clarté de sa réflexion et de son expression; il avait encore le droit de penser librement, et nous, de lire une copie intelligente.
Mais c'est là que nous nous heurterons à tous les techniciens du pédagogisme, tous les partisans de recettes, ou les naïfs à qui l'on a fait croire que, maintenant que leurs élèves n'avaient pas de travail de synthèse à faire en quatre heures, ils avaient beaucoup progressé. Et dire que, en revanche, on affirme les élèves très capables de fournir en un an un travail de recherche de type TPE!

 

-- Pour continer sur le sujet précédent(autre message sur la même liste, même jour)

Suite à ce que j'en disais, le résumé me paraît donc mériter beaucoup plus de quatre points, et j'ai l'impression que sa mort date du moment où il a pu être le résumé d'une partie du texte, voire de quelques lignes, et sans comptage précis des mots: alors qu'il était un des exercices les plus rigoureusement (j'entends: le moins subjectivement ) notés en français jusque-là, il s'est alors dilué, jusqu'à rejoindre les anciens exercices de brevet du style "donnez un titre à ce texte". Pourtant, cela permettait de bien voir si un texte avait été compris ou non, alors que les multiples questions actuelles voilent bien des contresens.
Sur la question des programmes à l'oral ou dans la dissert, j'ai aussi des doutes: ils mènent à une pléthore d'ouvrages parascolaires et désormais à ce que tous les sujets se voient traités sur le web dans les portails de lettres, et mènent donc à un bachotage effréné ...des élèves et des profs. Au fond, je constate que mes listes d'oral de bac (avant les groupements de textes et les programmes) comprenaient voici dix ans une cinquantaine de textes au minimum; sans groupements, je n'en suivais pas moins des perspectives globales et une méthode (peut-être plus que lorsqu'on voit les résultats d'un groupement sur "l'incipit" , ou même "l'arbre"(sic) dans la littérature, avec des élèves qui ignorent tout du texte, de l'auteur ou du contexte, sauf qu'il y a un arbre ou un incipit) ; j'observe que désormais, maintenant que tout cela est dirigé et réglé, la moyenne est de vingt à vingt-cinq textes -j'ai déjà vu quinze-la plupart du temps à l'oral du bac : y a-t-on gagné? Les élèves ont appris à jargonner, et connaissent de moins en moins de littérature, rédigent de moins en moins, et sont de plus en plus hantés par la nécessité d'employer les mots à la mode.
Devant une liste de textes abondante, mais qui n'avait pas été ressassée partout sur le web et chez les éditeurs, chacun était plus modeste, moins pédant, mais pas nécessairement moins ambitieux dans ses objectifs avec les élèves! Qu'apportent réellement des programmes tels qu'ils existent depuis quelques années? Je dirais qu'ils nous mènent surtout à ne plus traiter des auteurs dont nous avions envie de faire partager la passion; nous attendons , chaque année, passivement, le bon vouloir des supérieurs... Je dois dire que, personnellement, je suis assez gêné de la "problématique maître-valet au 18è" quand j'ai soudain envie de montrer aux élèves que ce n'est peut-être pas l'essentiel dans le Mariage de Figaro même si c'est "social"; je suis gêné par le thème du "naturalisme"(sujet sur les "écoles " classique voici des décennies dans les dissertations) quand je vois que les élèves commencent à s'intéresser au personnage de Maupassant, à son caractère, à ce qu'il a de particulier, mais se détournent soudain vers les "profils d'une œuvre" ou le web pour traiter "la question au programme". De même les "questions d'ensemble" il y a 7-8 ans aboutissaient-elles à un bachotage consternant et à une répétition balbutiante d'exposés dictés: quand donc éviterons-nous le formalisme?
Bonnes vacances à ceux qui en ont, bon courage à ceux qui travaillent.(25/4)


Sur ce qui s'est passé d'Allègre à Lang, quelques autres réflexions et documents sur les programmes et leurs fluctuations


Sur les variations également fluctuantes du bac ou du brevet, voyez les autres pages


14/02/05 Un instituteur faisant circuler un texte contre la réduction des horaires de français en primaire s'est fait regarder de travers par un syndicaliste sourcilleux et soucieux du pédagogiquement correct ; il ose répondre à ce "cher collègue". Il ose en effet prétendre qu'on pourrait et devrait enseigner la langue française autrement qu'en passant, de manière "transversale"! Pouah, l'hérétique! ...Du quotidien comme nous en vivons tous quand nous osons nous exprimer dans une salle de profs.On ne peut que féliciter ceux qui s'expriment encore face à la langue de bois.


 

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