Quoi de neuf?(Le 29/9/2000 )

 

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Je reprends après quelques mois (entre temps, un bébé et un déménagement, puis la rentrée: c'étaient mes "vacances") .

Voir: "l'année du brevet le plus nul : l'an 2000!

Un exemple de correction selon les directives officielles : comment on peut avoir 13 sur 20 avec des dizaines de fautes sur un texte de cinq lignes.


 

(29/9/2000) NOUVEAUX MANUELS (sur ce thème -récupéré le 15 octobre sur la liste "lettres et débats"- lisez aussi une bonne analyse des manuels récents et de l'idéologie qui les sous-tend ,par Agnès Joste- 40 pages à télécharger, très complète sur le sujet, et plus documentée que ce qui suit, qui se limite à mon expérience personnelle sur le terrain) Les voir en PDF

Quoi de neuf? En juin, une "réunion pédagogique" pour choisir le manuel de seconde; jamais nous n'avions eu autant d'exemplaires , de spécimens , dans nos casiers de profs: il fallait que le CDI se transforme en officine de distribution des publicités des éditeurs; des tas dignes d'une vieille distribution des prix. Beaucoup de bahuts ont décidé de boycotter ces manuels indigents ; je suis venu à la réunion pour le signaler, et proposer une action du même ordre, sans optimisme, simplement parce que je savais que les profs de seconde présents allaient décider implicitement du manuel de 1è: si l'on cesse en seconde de travailler sur un manuel organisé chronologiquement, inutile de poser le problème aux profs de 1è, ils seront mis devant le fait accompli: on ne va pas faire acheter aux parents une série chronologique couvrant l'ensemble de la littérature française pour un an seulement! Exit donc le temps où les gens gardaient leur Lagarde et Michard ou d'autres séries, et les conservaient avec respect dans leur bibliothèque. Donc, livres jetables en seconde, puis en première; des sortes de livres de collège, où tout est en vrac, où les auteurs sont réunis sous les prétextes les plus futiles et formels: en troisième, soudain, la première page du Meilleur des mondes d'Huxley devient prétexte à étude d'un" incipit" parmi d'autres: rien sur Huxley, rien sur le fait qu'il s'agit d'un ouvrage de politique fiction(3è Hatier); exercices visant à "repérer les indices spatio-temporels"; objectif hautement ambitieux: à la fin de la "séquence", l'élève "produira un début de roman"...(oublié le niveau réel, puisque les évaluations de seconde n'évaluent rien, et sont même passées à l'étude de document sans texte aucun : BD de Reiser limitée à des images (on appellera cela "lecture d'images", et l'on en déduira que les élèves lisent toujours très bien..) .De même, la plupart des textes se trouvent ainsi dispatchés non en fonction d'un contexte, d'une époque, d'un auteur, mais selon leur utilisation par le manuel dans l'optique des nouvelles notions du programme.Bref, livres de troisième et de seconde sont "enfin"(diront les "pédagogistes"), "harmonisés": ils se rejoignent dans le vandalisme.

Ce n'est pas neuf, et le résultat est clair. J'en ai déjà parlé à propos de "groupements de textes" ailleurs sur ce site. Ainsi, au bac oral de juin 2000, j'ai interrogé un élève sur un texte de Céline (groupement de textes sur les châteaux, avec par exemple celui de Chateaubriand à Combourg). Résultat: "dans ce texte de Céline, nous voyons que l'auteur, comme Chateaubriand, nous décrit un château- mais pas le même". Question: que savez-vous sur Céline? Réponse: "c'est quelqu'un qui a écrit sur les châteaux. Question; que fait-il à Siegmaringen? Réponse : " Il est dans un château"... ETC...

Je ne caricature pas. Chez Hachette, désormais Céline a droit à un texte, dans le chapitre Argumenter, dans le sous-chapitre "démontrer, convaincre, persuader", dans le sous-sous-chapitre "Argumenter: l'autre", dans la rubrique "raconter l'autre", en regard de Montesquieu, à quelque distance (mais dans la rubrique "penser l'autre" ), de Montaigne et Rousseau, et juste après "représenter l'autre": étude de deux vignettes de boîtes de camembert". (Hachette éducation, "des textes à l'œuvre", seconde). Et ce livre était le moins pauvre pourtant de cette liste de nouveaux ouvrages! C'est triste...

Pour revenir à notre choix de manuels de juin, livre adopté à l'unanimité moins une voix (laquelle?...) Argument décisif:" de toute façon, cela ira de plus en plus dans cette direction désormais et il n'y a pas à s'y opposer", a proféré une fervente du pédagogisme. Suivisme et approbation. (sans, je le précise, qu'on ait consulté aucun prof de première-or il est courant que ceux-ci se soient réfugiés dans cette classe pour continuer à faire ( quitte à bosser davantage ) encore du travail sérieux, et encore sanctionné- malgré les tricheries-, par un examen). Un mot d'ailleurs là-dessus(sur le bac ): de jeunes profs n'ayant pas enseigné en première et ne connaissant pas le programme, convoqués au bac, ont reçu la chaude recommandation de donner la moyenne; ailleurs, d'autres se sont fait dire qu'il y aurait une double correction en-dessous de dix, une triple en-dessous de huit...Mais n'ayons pas mauvais esprit : en trois ans, le niveau de français en 1ère au bac est monté de trois points : c'est l'essentiel, pourquoi faire les difficiles?

Voilà ; désormais, en septembre, les profs en sont réduits, non à faire cours ( et qu'on ne m'impose pas, comme le fait le frère de Cohn Bendit en ce moment, des caricatures du style "ceux qui "font cours" à l'ancienne imposent leurs savoirs, ne laissent pas la parole à l'élève, et ne préparent pas le jeune à la citoyenneté": je n'en ai jamais été là), mais à se demander comment utiliser le manuel et appliquer les nouveaux programmes. Ceux qui ne se posent pas de questions achètent le livre du maître et le copient servilement ; d'autres ont recours aux topos prémâchés de la revue quasi officielle "l'école des lettres"; d'autres enfin trouvent les cours tout faits sur les sites lettres d'Internet.: est-ce là le progrès? Pour ma part, je trouve qu'on progresse vers le totalitarisme; inutile de faire cours sur la citoyenneté et la honte des fonctionnaires de Vichy si c'est pour appliquer sinistrement des directives qui mènent à la lobotomie des enfants,indiscutable au nom du fait que "ce sont les directives"...

( 20/10/03) Voir aussi, sur le "Lagarde et Michard" (20/10/03), ma lettre à" Marianne" (pour télécharger) et aussi un beau texte hilarant, "de l'horrible danger du Lagmiche"

 

Les ELEVES:

Eux, ils changent bien sûr chaque année. On aura toujours le plaisir de découvrir de nouvelles personnalités, d'en retrouver qui ont évolué, d'en découvrir de remarquables,etc: plaisir éternel du métier. Bien sûr, ce n'est pas leur intelligence qui baisse; mais, leurs "savoirs " , chez certains d'entre eux (il existe encore des élèves qui cherchent vaillamment à apprendre , par une sorte de discipline, d'engouement personnels),ces savoirs, en ces temps où le savoir est honni au nom de la citoyenneté, que deviennent-ils?

On sent que la "réforme" gagne; ne parlons pas de points évidents (bien que programmés eux aussi) : par exemple, le niveau en grec des élèves de première est cette année plus bas: bien sûr, puisque, non seulement avec le latin, ce sont les matières qui ne comptent plus au brevet, mais de plus, on commence désormais cette langue en troisième: résultat mécanique donc.

Mais on observe que , si les élèves tentent vaillamment de jargonner au bac, des textes simples donnent de plus en plus lieu au même bac à des contresens- simplement, en juin à Paris, le même bac , par son barême et ses questions, permettait sur une fable de La Fontaine d'obtenir la moyenne même si l'on n'avait rien compris au texte: le contresens n'est plus un problème, il s'agit d'utiliser les mots imposés.

Ne parlons qu'un instant de l'oral: une candidate de septembre m'a affirmé voici quinze jours que Camus était un "célèbre auteur du 18è siècle"(quatre textes de l'Étranger présentés, livre lu en entier); je lui ai demandé de me trouver des "indices"(je pastichais le langage pédagogiste) de ce que ce devait plutôt être le 20è. Silence. C'est moi qui ai dû lui expliquer que bus, voitures, cinémas, n'existaient pas au 18è.

Mais attention: je ne cherche pas ici à faire rire de l'élève(je ne l'ai pas" saquée", ayant eu par ailleurs des réflexions et commentaires justes); je veux simplement dire qu'on a l'impression qu'on cherche délibérément à leur retirer tout repère, notamment chronologique; est-ce cela, les pousser à l'autonomie, à la liberté, à la citoyenneté?

En Troisième, désormais on semble être parvenu à détruire les notions de conjonctions de coordination, adverbes, pronoms, etc(tout en parlant savamment de l'étude de l'"argumentation"): tout cela dissimulé sous le titre pompeux de "connecteurs logiques"; cela éblouit peut-être les parents (et les empêche d'aider leurs enfants, donc aussi de communiquer avec eux: est-ce le but, au nom de l 'égalité?). Mais, est-ce la faute des élèves? Certainement pas. Les parents démissionnent trop surtout, et les profs rampent trop devant le pouvoir administratif et cette immense ruse qui fait baptiser "réforme" de tels retours en arrière, de telles atteintes à la culture personnelle (que l'on aurait honnies de la part d'un régime totalitaire).

Déstabilisation et endoctrinement des élèves. "Msieu, ce temps (ou ce mot), ça existe pas, on l'entend jamais"... Ne pas oublier qu'il ne faut pas abrutir l'enfant avec des "savoirs", mais partir du "déjà-là", des "prérequis" etc (en jargon). Passages automatiques, pas de savoirs à acquérir sauf les vingt mots de jargon et phrases toutes faites du programme: quel progrès ! (...et nécessité de bac +15 pour avoir un petit job à 35 ans?...)

Heureusement, la force de la jeunesse est qu'elle n'est pas toujours aussi suiviste que les adultes. Libres encore, certains savent fort bien qu'on leur demande actuellement de réciter, non de penser, et ils pensent quand même ; bravo à eux. Beaucoup me disent qu'ils patientent et n'en pensent pas moins. C'est du reste ce que disent aussi beaucoup de stagiaires d'IUFM: "on s'écrase jusqu'au concours, ensuite, on sera libres"...

 

Le BREVET.

Un exemple de correction selon les directives officielles : comment on peut avoir 13 sur 20 avec des dizaines de fautes sur un texte de cinq lignes.

 

Parlons-en un moment. Parents, remémorez-vous vos inquiétudes d'enfant... J'en connais qui au dernier brevet, naïfs, ont fait revoir le subjonctif à leurs enfants. Ils ont eu honte quand ils ont lu le sujet. Beaucoup d'élèves aussi d'ailleurs: cri fréquent à la lecture des sujets: "on nous prend pour des débiles"!

Désormais, une dictée ne se corrige plus comme avant: on en est revenu de ces méthodes terroristes qui faisaient corriger les fautes! Vous imaginez l'horreur de ces temps troubles et obscurantistes où l'on comptait les fautes au lieu de compter les mots justes! Désormais, un prof ne peut seul corriger une dictée de brevet (et, contrairement à ce qu'on prétend rechercher, un élève ne pourra plus " s'autoévaluer", ne connaissant pas la liste magique des "mots qui comptent") : on donne au correcteur une liste des mots qui rapportent des points (liste tout à fait aléatoire); il fait le calcul; puis, il peut soustraire un maximum de deux points pour toutes les autres fautes; bref, un texte de quarante fautes sur quatre lignes peut obtenir 13 sur 20; mais un texte avec dix fautes (sur les mots proposés, mais pas ailleurs) peut obtenir 2: conclusion: on n'est plus tenu de se plier à l'orthographe, la note y est désormais aléatoire: voilà résolu le problème de l'égalité de tous devant la langue!...(allez voir dans le site Sauver les lettres ce qui concerne cette dernière dictée et son barême).

Pour rire cependant, lisez ici la dictée du brevet 2000 de Caen, et goûtez la force littéraire du texte, qui poussera certainement les enfants vers le goût de la lecture: (texte d'Annie Erneaux, célébrissime et indispensable auteur à la mode dans l'éducation nationale:(texte intégral) :

"La dernière fois que j'ai vu ma mère chez elle, c'était au mois de juillet, un dimanche. Je suis venue en train. Il faisait chaud. Tout était silencieux au-dedans du compartiment et au-dehors."

POINT FINAL; eh oui, c'est tout; c'était peut-être encore un peu trop dur et exigeant? (cela dit, on se pâme devant la puissance du Verbe de l'artiste-émetteur-narrateur-créateur, nous les "destinataires")

 

Mentionnons pour rire quelques nouveautés qui ne manqueront pas de perturber des parents qui s'intéresseraient au travail de leurs enfants ou voudraient les soutenir dans leur travail: non seulement tout mot de liaison est désormais devenu un "connecteur logique" et on ne les distingue plus entre eux(qui sait encore ce qu'est une préposition, un pronom relatif, une conjonction de subordination sous ces joyeux fourre-tout), mais dans un texte, les notions de pronom, verbe, nom, adverbe, peuvent se retrouver accessoirement regroupées sous la rubrique "modalisateurs" pour peu que l'auteur ait exprimé un avis; les élèves ignorent de plus en plus la nature des mots, même en lycée-on n'en ignorait rien autrefois en CM1; adverbes et compléments circonstanciels deviennent "indices spatio-temporels"(ce qui évite de distinguer temps et lieu si l'on est un peu perturbé); chez Hatier en 3è, dans le livre de grammaire, le conditionnel est devenu un temps de l'indicatif- mais chez le même Hatier, 3è, dans le livre d'explications de textes, c'est resté un mode (mes élèves ont les deux manuels)... Et que les parents, ou les profs qui prendront la suite, s'y retrouvent, ou sombrent dans le ridicule devant les enfants, avec leurs notions passéistes......

Un exemple de correction selon les directives officielles : comment on peut avoir 13 sur 20 avec des dizaines de fautes sur un texte de cinq lignes.

 

 

POURQUOI?

Bref, on dirait bien que le but semble être de semer la confusion. Pourquoi? Cela devient de la science fiction:

Pour ôter toute arme logique ou culturelle aux futurs adultes, qui auront été endoctrinés à la sauce de la citoyenneté mais n'auront pas eu accès à une culture large et solide?

Pour laisser place aux logiciels éducatifs commerciaux une fois qu'on aura démontré que l'école est devenue contradictoire et confuse, donc inefficace?

Pour empêcher le savoir, qui décidément doit être source de malheur pour l'homme?

 

En tous les cas, nous ne sommes pas loin (de moins en moins loin) du Meilleur des mondes d'Huxley(parents, relisez les premiers chapitres, puis allez chercher votre enfant au collège, muni de sa nouvelle mallette d'éducation sexuelle), ou de 1984 d'Orwell.(faites la somme des mots et notions supprimés ou ajoutés ces derniers temps dans les manuels: qui comprend encore les manuels des enfants?). On est en train d'abandonner les élèves à une machine dangereuse.

Notons avec amusement que désormais M.Allègre, sous qui tout cela a pris de l'ampleur, semble désormais avoir bien remarqué toutes les absurdités qui précèdent, et prétend avoir lutté contre elles! Voilà qui entretiendra encore la confusion, et rendra l'analyse encore plus difficile, chacun parlant d'une réforme indispensable en France, mais aucun ne pensant à la même; on imagine un référendum:" êtes-vous favorable à une réforme de l'éducation?" Laquelle? Réforme?Réforme de la réforme? Réforme de la réforme de la réforme? Majorité de oui différents, et participation de 10% cette fois, et l'on continuera sur la même voie en estimant que les Français sont d'accord?

Un exemple de correction selon les directives officielles : comment on peut avoir 13 sur 20 avec des dizaines de fautes sur un texte de cinq lignes.

 


 

 

Voir aussi, sur le "Lagarde et Michard" (20/10/03), ma lettre à" Marianne" (pour télécharger) et aussi un beau texte hilarant, "de l'horrible danger du Lagmiche"


 

Quelques textes intéressants, que vous trouveriez aussi sur le site de "sauver les lettres":

sur ce qu'on fait de la grammaire et de l'orthographe;(télécharger).Ou voir en PDF

sur ce qu'on fait de la littérature; sur les tentatives de modifier le bac (15/10)

sur la tristesse de ce qu'on ose appeler la "réforme"(télécharger) Ou voir en PDF

sur "l'affaire Molinier"(un prof qui a osé s'opposer à la participation de son bahut à une école de boursicotage organisée par une banque est poursuivi en justice...)


 

POUR FEUILLETER QUELQUES AUTRES SUJETS ABORDÉS :

Le bac , le brevet , le mythe du travail collectif , les disparitions insidieuses ( orthographe, grammaire, concours, documents, travail, svt , Lagarde et Michard, etc...) , les sempiternels nouveaux exercices-gadgets (modules, recherche par internet, groupements de textes et autres "corpus", TPE, vie de classe, etc) , le "grand débat" , les dangers d'une certaine utilisation d'internet pour tricher, et surtout pour remplacer l'école ou la vendre , le jargon à l'école , le latin et le grec, le problème du gâchis de la lecture en primaire (lien vers un autre site), les changements de manuels et d'exercices , le métier contre le pédagogisme , textes récents sur le pédagogisme, poésie , les profs à la casse , les changements de programmes constants, cliquez sur ces titres avant de vous noyer dans mon désordre artisanal. Sinon, tentez le sommaire...

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